La bataille s’annonçait âpre, elle fut franchement tendue entre l’avocate de l’ambassade du Royaume d’Arabie saoudite et celle de Jainab et Dahina, ces deux « employées de maison » philippines, mises au service d’une famille saoudienne vivants dans le XVe arrondissement par l’intermédiaire de l’ambassade (XVIe), mais soumises à des conditions de vie évoquant plus de l’esclavage moderne (notre édition d’hier).
Ce jeudi au conseil de prud’hommes de Paris, c’était parole contre parole. Et au final, des conseillers confrontés à deux versions radicalement divergentes du calvaire raconté par Jainab, qui a duré près de trois ans avant que la jeune femme franchisse le pas, un matin de novembre 2012, en s’enfuyant sans argent ni papiers avec sa jeune cousine, recrutée et « expatriée » comme elle de Manille quelques semaines plus tôt. Pour Me Fougeroux, l’ambassade était coemployeur et complice, intervenant directement pour établir des contrats illégaux, voire falsifier des documents de salaires.
Jainab en procès contre l’ambassade d’Arabie Saoudite le 16 juillet 2015
C’est une tout autre atmosphère sociale et familiale que décrit l’avocate du Royaume, ouvertement suspicieuse des récits bouleversés de Jainab.
Selon Me Claire Machureau, le récit même de l’évasion « ne tient pas la route ». L’avocate espérait d’ailleurs convaincre les conseillers de ne pas statuer sur les près de 600 000 € de réparation réclamés, tant qu’un autre volet du dossier reste en suspend : une plainte pénale déposée il y a à peine 3 mois, par le couple saoudien en cause, contre Jainab et Dahina. Près de trois ans après la fuite des deux femmes, la famille les accuse aujourd’hui de « délaissement d’une personne hors d’état de se protéger », puisqu’en fuyant elle avait « abandonné » leur fille autiste que Jainab devait veiller, dormant au pied de son lit.Pourquoi cette plainte, et pourquoi si tard ? « Pour comprendre les conditions réelles de travailet de vie », affirme Me Machureau, « Pure manœuvre! » réplique Me Fougeroux, écœurée, en rappelant que ce matin-là, plusieurs personnes dont la propre mère de l’enfant malade étaient présentes dans la maison. Les conseillers ont rejeté la demande de sursis à statuer, et rendront leur décision le 30 septembre. Peut-être le point final qu’attend Jainab pour rééquilibrer sa « vie bancale ».
consulter l’article du parisien du 16 juillet 2015 procès-de-jainab-16-07-2015