Les Français ont du mal à y croire. Et pourtant ! A l’intérieur de leurs frontières, des gens en tiennent d’autres en esclavage en profitant de leur misère, de leur fragilité. L’esclavage sexuel, domestique : des associations existent, des avocats se battent pour épauler les victimes et battre en brèche l’impunité des gens parfois très protégés.
Elle avait des raisons de ne pas se méfier : originaire de Guinée Conakry, elle est partie rejoindre sa sœur aînée en France après le bac, pour poursuivre ses études. « Je voulais être journaliste, raconte t-elle. Je suis arrivée pour m’inscrire à la fac, mon beau-frère, prof de techno, m’avait dit qu’il m’aiderait dans les démarches. Tu parles ! En me faisant venir « la folle » avait une idée en tête : faire de moi sa domestique, comme elle l’avait fait précédemment avec une autre de mes sœurs. Mais ça, je ne le savais pas … » Parce qu’en famille, ces choses-là ne se disent pas : « Mes parents n’auraient pu l’entendre, ils ne m’auraient pas crue. Mon frère, arrivé en France en même temps que moi, n’a pas bougé le petit doigt : ça m’a beaucoup déçue. » Comme Gaëlle, Sabine s’est trouvée à trimer dans les pires conditions : « Je n’avais pas de chambre, pas de papiers. Ma sœur les avait trafiqués pour me présenter comme sa fille. Elle ne me donnait pas à manger ». Au bout de quelques mois, Sabine se réfugie chez un tante. « Mais sous le poids de la pression familiale, j’ai dû rentrer chez ma sœur, dans des conditions pires encore … Ce genre de situation te fait perdre confiance ; tu finis par te voir petit, inférieur. Trois ans de cauchemars. Finalement, grâce à ma tante, j’ai fui en Hollande. Son appui m’a donné le courage de tenir puis de claquer définitivement la porte, contacter des associations, affronter ma famille ». De quoi permettre à Sabine de se reconstruire petit à petit : « Porter plainte n’a pas été une décision facile, mais il fallait que je le fasse. L’affaire suit son cours. Je ne baisse pas les bras. Je ne demande pas d’argent. Ce que je veux, c’est que justice soit faite. Et que soit brisée la spirale du silence.» Son titre provisoire de séjour sous le bras, la jeune femme a attaqué des études de droit : « l’avocate de SOS ESCLAVES : Maître Fougeroux m’a fait aimer ce métier.» et trouvé un boulot à mi-temps dans un cabinet juridique. « Cette histoire n’est pas encore derrière moi, le sera-t elle un jour? Après le procès peut-être… Pour l’instant, elle est là, je la vis au quotidien. »